savemysoul Ulysse Rives

Andrew, orphelin à l'orphelinat Saint-James, s'inquiète de son futur. Tiraillé, méprisé, torturé, il vit une vie des plus horribles. Pourtant, lorsqu'un songe survient dans son esprit, il sait que rien ne sera plus comme avant. Il fait la rencontre des Travailleurs de Lumière qui surveillent le monde en autarcie, et découvre peu à peu qui ils sont. Et s'il était celui qui pouvait tout changer ? Et si une menace obscure était en train d'envahir le monde ?


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L'Illusoire

Février 2028, orphelinat Saint-James, Paris, 12e arrondissement.

L’amoncellement des flots provenant des cieux sonnait comme le glas. La froideur régnait en maître au sein de l’orphelinat à la structure presque antique. Malgré l’acharnement qui s’abattait contre lui, notre orphelinat était connu pour faire partie de l’élite. Réputé pour son modèle strict et autoritaire, il faisait le bonheur des critiques nouvelle génération, ceux qui pouvaient autant permettre à un institut de fermer que lui apporter une plus grande visibilité. Toutefois, les sourires innocents dissimulaient l’horizon funeste qui se présentait à nous. Un horizon contrôlé d’une main de fer par des forces occultes.

Assis, je m’attelais à l’écriture de mon dernier journal de vie. C’était un rituel quotidien que je m’accordais durant le seul repos de la journée : le coucher. Les surveillants arpentaient les couloirs où nous étions regroupés, par rangées de dix, quinze... Ou peut-être davantage. Ils contrôlaient les moindres faits et gestes que nous pouvions avoir, si bien que chacun de nos mouvements était parfaitement calculé.

Ce navire aux intentions douteuses voulait faire de nous de beaux petits soldats. Comme exemple inconditionnel, nous avions notre directeur, le chef suprême. On nous rabâchait souvent qu’il faisait la fierté de toute une génération ; réussir à fonder un orphelinat, surtout depuis que leur gestion rémunérait grassement, était plus que compliqué, en particulier dans notre arrondissement. Le directeur devait être un exemple pour nous selon les bonnes sœurs, qui s’occupaient des tâches les plus ingrates et nous enseignaient les bases de la religion.

À peine cinq heures retentissaient-elles que le réveil matinal se fit entendre. La voix rauque de la sonnerie résonnait dans toute l’enceinte. Ce son... si infâme. Ce bruit horrible annonçait notre mort perpétuelle. Tels les klaxons qui régissaient l’allée voisine, notre sonnerie accompagnait non pas seulement nos journées, mais aussi nos plus sombres cauchemars. Nos peurs étaient toutes dirigées vers elle et son pouvoir démoniaque. Son pouvoir de vie ou de mort. Son pouvoir qui nous rendait peu à peu plus fous les uns que les autres.

En me levant, je repensai aux tâches qui allaient m’être assignées. C’était ce jour... le jour monstrueux. Le pire jour de chaque semaine de notre existence. Et ce jour-là, j’étais celui qui allait le faire. J’avais déjà accompli cela auparavant, mais ce moment, je le redoutais plus que tout.

Oubliant l’épée de Damoclès qui planait au-dessus de moi, je me dirigeai vers la salle principale, sous l’œil inquiet de mes camarades. D’ici, je pouvais même entendre des murmures raconter l’effroi qui s’y trouvait. J’en avais bien conscience. Mais impossible de déroger à la règle, personne ne savait ce qu’était réservé à ce genre de personnes réticentes ; toutefois, leur sanction ne devait pas être plus terrible que de croupir ici.

La fosse. Le camion. Ces images me revinrent en mémoire. Ces amas... Des corps. Ensanglantés, pendus. Des corps. Horrible sensation. Infâme. Monstrueux. Je refusais d’y repenser, mais les réminiscences de la fois dernière ne daignaient s’effacer de mon esprit. Trop marquantes, trop choquantes, ma conscience pensait sans doute qu’elles me serviraient, mais je ne voyais en elles que des atrocités.

C’était là. Le camion était présent, ainsi que les sœurs qui s’attelaient à la tâche. Qu’étaient ces corps ? Des enfants. Des enfants qui n’avaient pas supporté l’austérité des lieux, les méthodes employées, et la pression horrible infligée aux jeunes garçons. Sans parler des punitions, censées nous remettre dans le droit chemin. Non... cela nous était impossible de rester.

— Tu vas te bouger, oui ? beugla le surveillant derrière moi.

Sa voix résonnait dans tout l’établissement. Il prenait de nouveau devant nous son statut d’être supérieur. Pourtant, je n’avais pas envie de l’écouter, cette fois-ci. Ses paroles n’émettaient plus une quelconque résonance dans mon esprit, bien que j’y fusse contraint.

— Oui... tout de suite, répondis-je faiblement, la peur tétanisant la plupart de mes membres.

Je regardai l’horreur avec effroi et ne fis rien.

— Ah ! c’est comme ça que tu prends ton travail ! reprit-il de plus belle, en haussant la voix.

Je ne savais pas comment réagir. J’étais tétanisé de terreur. J’évaluai la faiblesse de mon corps, comparai la puissance de son buste et remis mes actes en question. La situation s’aggravait.

— Je vous en prie… je ne veux pas faire ça.

Cet affront me vaudrait bien des peines, j’en avais pleine conscience mais, sur le fait, je ne songeai guère aux conséquences. J’oscillais entre rage, abnégation, craintes et raison. Je ne parvenais pas à trouver mon juste milieu ; ma stabilisation se perdait peu à peu.

— La dernière fois, ton dégoût t’avait déjà valu une haute sanction, mais si tu persistes, il t’arrivera bien d’autres malheurs, me suis-je bien fait comprendre ? insista le jeune gardien avec mépris. C’est avec cette éducation que nous forgeons les esprits de demain.

Mon corps s’affaissait davantage. Tous mes membres se rétractèrent, mes paupières devinrent pesantes ; je commençais à voir trouble. Et, bientôt, mon horizon ne serait que vide, et je subirais le courroux de mon supérieur sans broncher, la tête dans les étoiles.

Ses yeux changèrent de couleur subitement. À la façon d’une pleine-lune pour un monstre sanguinaire, ses yeux passèrent du bleu foncé à un noir profond, vif et lugubre. Cependant, cette transformation n’était pas la seule que subissait son corps. Je sentais une puissance malsaine émaner de son être, prendre part sur sa propre raison, son raisonnement d’habitude logique bien qu’hostile.

Le corps du gardien ne tarda pas à manifester les signes de son changement soudain. Pris d’une stupéfiante folie, couplée à une métamorphose inopinée, son esprit était rongé d’un mal inconnu. Manifestation divine, maléfique, et quand bien même inexplicable, peu importait à cet instant de savoir d’où provenait sa nouvelle nature.

Il m’agrippa à la gorge avec toute la ferveur qu’on lui connaissait désormais, toute la rudesse de ses mouvements. Son geste paraissant pourtant d’une faiblesse inouïe comparée à son potentiel, il n’avait pas manqué de provoquer en moi un vrai séisme. Mes tours principales s’effondrèrent en premier, mais la banlieue alentour prit le flambeau du chaos et suivit immédiatement. Mon monde s’écroulait sous mes yeux.

Ma lumière venait de s’éteindre. Je ne voyais plus que flou, perdu dans un voile de fumée intense et qui m’empêchait de distinguer clairement le monde. Mais peu à peu, je sentais que l’emprise qu’il avait sur moi s’effaçait, et venait au fil du temps à se tarir.

Il relâcha mon cou frêle, sa main plana quelques secondes dans les airs, avant de venir s’accoler au reste de son corps ; je tressaillis sur le sol boueux, tête contre sol, totalement étendu.

La boue ne manqua pas de parsemer tout mon corps de petites tâches visqueuses, qui vinrent s’accrocher à mes vêtements. Le choc provoqua en moi une surdité temporaire, tant mon corps chétif subissait les dommages de ses coups de manière violente. Pourtant, nous étions habitués aux rouages de son courroux, mais il n’en demeurait pas moins que nous ne les supportions que trop mal.

Le silence s’évapora, au profit d’une tempête de sons atroces. Les klaxons retentissaient dans la faible lumière matinale, le camion de la fosse tambourinait son éclat perçant de stationnement, et le gardien beuglait sa haine tout près de moi. Ses yeux, cependant, semblaient avoir repris un statut normal.

Sa métamorphose, je la prenais comme signe d’un présage de mauvais augure. Superstitieux de nature, les signes étranges demeuraient pour moi des manifestations extérieures, même si je ne croyais pas en beaucoup de choses.

Il partit en me hurlant au visage que mon travail était terminé. Il ne resterait comme seul vestige de mon impudence qu’une punition stricte et un mot dans mon livret d’orphelinat. Un seul mot et tout était terminé.




Mes camarades s’obstinaient à fixer le blanc de mes yeux avec intensité. Je ne savais pas si cela était de la fierté ou de la pitié, tant leurs regards insistants restaient les mêmes : tous aussi troublants les uns que les autres.

Je repensai au mot dans mon livret. Une question m’était parvenue : qu’adviendrait-il de moi, alors que nous ne connaissions aucune des conséquences de ces actes dits d’une haute insolence, les nouvelles des orphelins se faisant rares, voire inexistantes ?

Mes vêtements, souillés par la boue qui commençait à se solidifier, perdirent leur éclat d’antan. Maculé de tâches visqueuses, mon visage ne supportait plus ces amas de terre mouillée, craquelée, qui l’englobait presque intégralement.

La douche commune était une de ces douches — si le terme de douche correspondait — qui inspirait la hantise de tout l’orphelinat. Lieu d’infamie sans nom, il s’y produisait de telles horreurs que le personnel avait déserté l’endroit. D’ailleurs, le manque de leurs nouvelles était là aussi chose fréquente : nous ne les avions jamais revus ni entendus depuis qu’ils s’étaient exilés. Aucune lettre de démission. Rien. Ils avaient disparu sans laisser de trace et d’une manière mystérieuse. Mais qu’attendait la police ? Un tel endroit, réputé pour son exemplarité et qui abritait de telles atrocités ne devait exister, et nous le savions tous. Là encore, on ne nous disait pas tout. Tous les supérieurs restaient silencieux sur ce sujet, et savaient à l’avance l’arrivée d’un inspecteur venu scruter le moindre écart de propreté ou même de conduite. C’était impensable.

Je me dirigeai d’un pas hésitant vers la salle horrifique. La peur m’envahit avant même d’avoir pénétré la pièce, paralysant mes fonctions motrices les plus élémentaires. Je repensai à la fosse : c’était elle qui produisait à nouveau la même sensation. Un goût amer dégoulinait dans ma bouche. Qu’allais-je découvrir cette fois-ci ? Un corps ensanglanté gisant sur le sol ? La négligence des précautions faisait peine à voir, et les coups fourrés des orphelins ne manquaient pas d’aggraver ce genre d’imprudence.

J’ouvris la porte avec prudence, cadençant mon rythme cardiaque en cas de surprise malvenue.

Alors que je passai dans l’embrasure de la porte, un garçon sortit en même temps par la porte principale. À première vue, le silence régnait, et nul ne pouvait ni ne devait oser le déranger. Ce silence, pourtant si intense, si assourdissant, se devait bien de révéler quelque chose.

Je me contentai d’y faire abstraction et m’orientai vers une des cabines libres. En silence.




Mon lit précaire. Ce lit fait de bois craintif, risquant de s’effondrer à chacun de mes mouvements, le soir, était le dernier vestige qu’il resterait à cet endroit macabre une fois mon envolée entreprise. Ce lit, qui partageait tous ses secrets avec le reste du monde. De mon monde. De l’orphelinat. Des cent autres garçons qui menaient la même vie. Seul un rideau, incliné d’un unique sens, préservait notre intimité des regards inquisiteurs.

Mais ce lit, en réalité, n’était guère la chose la plus importante que je possédais. Chaque soir, à l’orée de la nuit, de nos rêves ou cauchemars, à l’aube du lever de certains monstres, je serrais très fort mon médaillon dans ma paume. Ce médaillon, qui avait appartenu à mon père disparu. Un père que je n’avais même pas connu, mais qui me laissait espérer au plus profond de moi qu’il existait, et qu’il viendrait me sauver de ce quotidien innommable. S’il vivait, alors mon existence ici ne perdurerait plus et je serais enfin libre de faire ce que bon me semblait.

Mais là, dans cette bâtisse, j’étais bien le seul à détenir pareil objet. Nous n’avions rien d’autre que ce que l’orphelinat voulait bien nous donner, mais ça ne m’avait pas empêché de conserver ce vestige d’une vie inconnue. Caché entre les plis du matelas raide, j’espérais que ce médaillon m’apporte les réponses à mes multiples questions, mais il ne m’accordait qu’une courte espérance.

L’illusoire d’une sortie. L’illusoire d’un monde meilleur. L’illusoire d’un père.

L’alarme cria l’heure de se coucher. J’éteignis ma lampe de chevet, attrapai ma couette, et me recroquevillai à l’intérieur, espérant des jours meilleurs. Déversant tous mes sanglots intimes.

24 ноября 2018 г. 13:24 0 Отчет Добавить Подписаться
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