A
Augusto Salvador


L'Épreuve est une nouvelle de Guy de Maupassant, parue en 1889.Henry-René-Albert-Guy de Maupassant [gi d(ə) mo.pa.ˈsɑ̃] est un écrivain et journaliste littéraire français né le 5 août 1850 au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arques1,2 (Seine-Inférieure) et mort le 6 juillet 1893 à Paris. Lié à Gustave Flaubert et à Émile Zola, Guy de Maupassant a marqué la littérature française par ses six romans, dont Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1887-1888, et surtout par ses nouvelles (parfois intitulées contes) comme Boule de suif en 1880, les Contes de la bécasse (1883) ou Le Horla (1887).


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I


Un bon ménage, le ménage Bondel, bien qu'un peu guerroyant. On se querellait souvent, pour des causes futiles, puis on se réconciliait.

Ancien commerçant retiré des affaires après avoir amassé de quoi vivre selon ses goûts simples, Bondel avait loué à Saint-Germain un petit pavillon et s'était gîté là, avec sa femme.

C'était un homme calme, dont les idées, bien assises, se levaient difficilement. Il avait de l'instruction, lisait des journaux graves et appréciait cependant l'esprit gaulois. Doué de raison, de logique, de ce bon sens pratique qui est la qualité maîtresse de l'industrieux bourgeois français, il pensait peu, mais sûrement, et ne se décidait aux résolutions qu'après des considérations que son instinct lui révélait infaillibles.

C'était un homme de taille moyenne, grisonnant, à la physionomie distinguée.

Sa femme, pleine de qualités sérieuses, avait aussi quelques défauts. D'un caractère emporté, d'une franchise d'allures qui touchait à la violence, et d'un entêtement invincible, elle gardait contre les gens des rancunes inapaisables. Jolie autrefois, puis devenue trop grosse, trop rouge, elle passait encore, dans leur quartier, à Saint-Germain, pour une très belle femme, qui représentait la santé avec un air pas commode.

Leurs dissentiments, presque toujours, commençaient au déjeuner, au cours de quelque discussion sans importance, puis jusqu'au soir, souvent jusqu'au lendemain ils demeuraient fâchés. Leur vie si simple, si bornée, donnait de la gravité à leurs préoccupations les plus légères, et tout sujet de conversation devenait un sujet de dispute. Il n'en était pas ainsi jadis, lorsqu'ils avaient des affaires qui les occupaient, qui mariaient leurs soucis, serraient leurs coeurs, les enfermant et les retenant pris ensemble dans le filet de l'association et de l'intérêt commun.

Mais à Saint-Germain on voyait moins de monde. Il avait fallu refaire des connaissances, se créer, au milieu d'étrangers, une existence nouvelle toute vide d'occupations. Alors, la monotonie des heures pareilles les avait un peu aigris l'un et l'autre; et le bonheur tranquille, espéré, attendu avec l'aisance, n'apparaissait pas.

Ils venaient de se mettre à table, par un matin du mois de juin, quand
Bondel demanda:

—Est-ce que tu connais les gens qui demeurent dans ce petit pavillon rouge au bout de la rue du Berceau?

Mme Bondel devait être mal levée. Elle répondit:

—Oui et non, je les connais, mais je ne tiens pas à les connaître.

—Pourquoi donc? Ils ont l'air très gentils.

—Parce que …

—J'ai rencontré le mari ce matin sur la terrasse et nous avons fait deux tours ensemble.

Comprenant qu'il y avait du danger dans l'air, Bondel ajouta:

—C'est lui qui m'a abordé et parlé le premier.

La femme le regardait avec mécontentement. Elle reprit:

—Tu aurais aussi bien fait de l'éviter.

—Mais pourquoi donc?

—Parce qu'il y a des potins sur eux.

—Quels potins?

—Quels potins! Mon Dieu, des potins comme on en fait souvent.

M. Bondel eut le tort d'être un peu vif.

—Ma chère amie, tu sais que j'ai horreur des potins. Il me suffit qu'on en fasse pour me rendre les gens sympathiques. Quant à ces personnes, je les trouve fort bien, moi.

Elle demanda, rageuse:

—La femme aussi, peut-être?

—Mon Dieu, oui, la femme aussi, quoique je l'aie à peine aperçue.

Et la discussion continua, s'envenimant lentement, acharnée sur le même sujet, par pénurie d'autres motifs.

Mme Bondel s'obstinait à ne pas dire quels potins couraient sur ces voisins, laissant entendre de vilaines choses, sans préciser. Bondel haussait les épaules, ricanait, exaspérait sa femme. Elle finit par crier:

—Eh bien! ce monsieur est cornard, voilà!

Le mari répondit sans s'émouvoir:

—Je ne vois pas en quoi cela atteint l'honorabilité d'un homme?

Elle parut stupéfaite.

—Comment, tu ne vois pas?… tu ne vois pas?… elle est trop forte, en vérité … tu ne vois pas? Mais c'est un scandale public; il est taré à force d'être cornard!

Il répondit:

—Ah! mais non! Un homme serait taré parce qu'on le trompe, taré parce qu'on le trahit, taré parce qu'on le vole?… Ah! mais non. Je te l'accorde pour la femme, mais pas pour lui.

Elle devenait furieuse.

—Pour lui comme pour elle. Ils sont tarés, c'est une honte publique.

Bondel, très calme, demanda:

—D'abord, est-ce vrai? Qui peut affirmer une chose pareille tant qu'il n'y a pas flagrant délit.

Mme Bondel s'agitait sur son siège.

—Comment? qui peut affirmer? mais tout le monde! tout le monde! ça se voit comme les yeux dans le visage, une chose pareille. Tout le monde le sait, tout le monde le dit. Il n'y a pas à douter. C'est notoire comme une grande fête.

Il ricanait.

—On a cru longtemps aussi que le soleil tournait autour de la terre et mille autres choses non moins notoires, qui étaient fausses. Cet homme adore sa femme; il en parle avec tendresse, avec vénération. Ça n'est pas vrai.

Elle balbutia, trépignant:

—Avec ça qu'il le sait, cet imbécile, ce crétin, ce taré!

Bondel ne se fâchait pas; il raisonnait.

—Pardon. Ce monsieur n'est pas bête. Il m'a paru au contraire fort intelligent et très fin; et tu ne me feras pas croire qu'un homme d'esprit ne s'aperçoive pas d'une chose pareille dans sa maison, quand les voisins, qui n'y sont pas, dans sa maison, n'ignorent aucun détail de cet adultère, car ils n'ignorent aucun détail, assurément.

Mme Bondel eut un accès de gaieté rageuse qui irrita les nerfs de son mari.

—Ah! ah! ah! tous les mêmes, tous, tous! Avec ça qu'il y en a un seul au monde qui découvre cela, à moins qu'on ne lui mette le nez dessus.

La discussion déviait. Elle partit à fond de train sur l'aveuglement des époux trompés dont il doutait et qu'elle affirmait avec des airs de mépris si personnels qu'il finit par se fâcher.

Alors, ce fut une querelle pleine d'emportement, où elle prit le parti des femmes, où il prit la défense des hommes.

Il eut la fatuité de déclarer:

—Eh bien moi, je te jure que si j'avais été trompé, je m'en serais aperçu, et tout de suite encore. Et je t'aurais fait passer ce goût-là, d'une telle façon, qu'il aurait fallu plus d'un médecin pour te remettre sur pied.

Elle fut soulevée de colère et lui cria dans la figure:

—Toi? toi! Mais tu es aussi bête que les autres, entends-tu!

Il affirma de nouveau:

—Je te jure bien que non.

Elle lâcha un rire d'une telle impertinence qu'il sentit un battement de coeur, et un frisson sur sa peau.

Pour la troisième fois il dit:

—Moi, je l'aurais vu.

Elle se leva, riant toujours de la même façon.

—Non, c'est trop, fit-elle.

Et elle sortit en tapant la porte.

27 de Maio de 2018 às 21:07 0 Denunciar Insira Seguir história
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