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LE POÈTE ET LA CIGALE
Un poète ayant rimé,IMPRIMÉVit sa Muse dépourvueDe marraine, et presque nue:Pas le plus petit morceauDe vers ... ou de vermisseau.Il alla crier famineChez une blonde voisine,La priant de lui prêterSon petit nom pour rimer.(C'était une rime en elle)—Oh! je vous paîrai, Marcelle,Avant l'août, foi d'animal!Intérêt et principal.—La voisine est très prêteuse,C'est son plus joli défaut:—Quoi: c'est tout ce qu'il vous faut?Votre Muse est bien heureuse....Nuit et jour, à tout venant,Rimez mon nom.... Qu'il vous plaise!Et moi j'en serai fort aise.
Voyons: chantez maintenant.

ÇA?
What?... (SHAKESPEARE.)
Des essais?—Allons donc, je n'ai pas essayé!Etude?—Fainéant je n'ai jamais pillé.Volume?—Trop broché pour être relié ...De la copie?—Hélas non, ce n'est pas payé!
Un poëme?—Merci, mais j'ai lavé ma lyre.Un livre?—... Un livre, encor, est une chose à lire!...Des papiers?—Non, non, Dieu merci, c'est cousu!Album?—Ce n'est pas blanc, et c'est trop décousu.
Bouts-rimés?—Par quel bout?... Et ce n'est pas joli!Un ouvrage?—Ce n'est poli ni repoli.Chansons?—Je voudrais bien, ô ma petite Muse!...Passe-temps?—Vous croyez, alors, que ça m'amuse?
—Vers?... vous avez flué des vers....—Non, c'est heurté.—Ah, vous avez couru l'Originalité?...—Non ... c'est une drôlesse assez drôle,—de rue—Qui court encor, sitôt qu'elle se sent courue.
—Du chic pur?—Eh qui me donnera des ficelles!—Du haut vol? Du haut-mal?—Pas de râle, ni d'ailes!—Chose à mettre à la porter—... Ou dans une maisonDe tolérance.—Ou bien de correction?—Mais non!
—Bon, ce n'est pas classique?—A peine est-ce français!—Amateur?—Ai-je l'air d'un monsieur à succès?Est-ce vieux?—Ça n'a pas quarante ans de service....Est-ce jeune?—Avec l'âge, on guérit de ce vice.
... ÇA c'est naïvement une impudente pose;C'est, ou ce n'est pas çà: rien ou quelque chose....—Un chef-d'oeuvre?—Il se peut: je n'en ai jamais fait.—Mais, est-ce du huron, du Gagne, ou du Musset?
—C'est du ... mais j'ai mis là mon humble nom d'auteur,Et mon enfant n'a pas même un titre menteur.C'est un coup de raccroc, juste ou faux, par hasard....L'Art ne me connaît pas. Je ne connais pas l'Art.
Préfecture de police, 20 mai 1873

PARIS
Bâtard de Créole et Breton,Il vint aussi là—fourmilière,Bazar où rien n'est en pierre,Où le soleil manque de ton.
—Courage! On fait queue.... Un plantonVous pousse à la chaîne—derrière!—... Incendie éteint, sans lumière;Des seaux passent, vides ou non.—
Là, sa pauvre Muse pucelleFit le trottoir en demoiselle,Ils disaient: Qu'est-ce qu'elle vend?
—Rien.—Elle restait là, stupide,N'entendant pas sonner le videEt regardant passer le vent....
Là: vivre à coups de fouet!—passerEn fiacre, en correctionnelle;Repasser à la ritournelle,Se dépasser, et trépasser!...
—Non, petit, il faut commencerPar être grand—simple ficelle—Pauvre: remuer l'or à la pelle;Obscur: un nom à tout casser!...
Le coller chez les mastroquets,Et l'apprendre à des perroquetsQui le chantent ou qui le sifflent....
—Musique!—C'est le paradisDes mahomets et des houris,Des dieux souteneurs qui se giflent!
«Je voudrais que la rose,—Dondaine!Fût encore au rosier,—Dondè!»
Poète.—Après?... Il faut la chose:Le Parnasse en escalier,Les Dégoûteux, et la Chlorose,Les Bedeaux, les Fous à lier....
L'Incompris couche avec sa pose,Sous le zinc d'un mancenillier;Le Naïf «voudrait que la rose,Dondé! fût encore au rosier!»
«La rose au rosier, Dondaine!»—On a le pied fait à sa chaîne.«La rose au rosier»....—Trop tard!—
... «La rose au rosier»....—Nature!—Ou est essayeur, pédicure,Ou quelqu'autre chose dans l'art!
J'aimais ...—Oh, ça n'est plus de vente!Même il faut payer: dans le tas,Pioche la femme!—Mon amanteM'avait dit: «Je n'oublierai pas....»
... J'avais une amante là-basEt son ombre pâle me hanteParmi des senteurs de lilas....Peut-être Elle pleure....—Eh bien: chante,
Pour toi tout seul, ta nostalgie,Tes nuits blanches sans bougie ...Tristes vers, tristes au matin!...
Mais ici: fouette-toi d'orgie!Charge ta paupière rougie,Et sors ton grand air de catin!
C'est la bohême, enfant: RenieTa lande et ton clocher à jour,Les mornes de ta colonieEt les bamboulas au tambour.
Chanson usée et bien finie,Ta jeunesse.... Eh, c'est bon un jour!...Tiens:—C'est toujours neuf—calomnieTes pauvres amours ... et l'amour.
Evohé! ta coupe est remplie!Jette le vin, garde la lie ...Comme ça.—Nul n'a vu le tour.
Et qu'un jour le monsieur candideDe toi dise—Infect! Ah splendide!—... Ou ne dise rien.—C'est plus court.
Evohé! fouaille la veine;Evohé! misère: Éblouir!En fille de joie, à la peineTombe, avec ce mot-là.—Jouir!
Rôde en la coulisse malsaineOù vont les fruits mal secs moisir,Moisir pour un quart-d'heure en scène....—Voir les planches, et puis mourir!
Va: tréteaux, lupanars, églises,Cour des miracles, cour d'assises:—Quarts-d'heure d'immortalité!
Tu parais! c'est l'apothéose!!!...Et l'on te jette quelque chose:—Fleur en papier, ou saleté.—
Donc, la tramontane est montée:Tu croiras que c'est arrivé!Cinq-cent-millième Prométhée,Au roc de carton peint rivé.
Hélas: quel bon oiseau de proie,Quel vautour, quel Monsieur VautourViendra mordre à ton petit foieGras, truffé?... pour quoi—Pour le four!...
Four banal!...—Adieu la curée!—Ravalant ta rate rentrée,Va, comme le pélican blanc,
En écorchant le chant du cygne,Bec-jaune, te percer le flanc!...Devant un pêcheur à ta ligne.
Tu ris.—Bien!—Fais de l'amertume,Prends le pli, Méphisto blagueur.De l'absinthe! et ta lèvre écume....Dis que cela vient de ton coeur.
Fais de toi ton oeuvre posthume,Châtre l'amour ... l'amour—longueur!Ton poumon cicatrisé humeDes miasmes de gloire, ô vainqueur!
Assez, n'est-ce pas? va-t'en!LaisseTa bourse—dernière maîtresse—Ton revolver—dernier ami....
Drôle de pistolet fini!... Ou reste, et bois ton fond de vie,Sur une nappe desservie....

ÉPITAPHE
Sauf les amoureux commençons ou finisqui veulent commencer par la fin il ya tant de choses qui finissent par lecommencement que le commencementcommence à finir par être la fin la finen sera que les amoureux et autresfiniront par commencer à recommencer parce commencement qui aura fini par n'êtreque la fin retournée ce qui commencerapar être égal à l'éternité qui n'a nifin ni commencement et finira par êtreaussi finalement égal à la rotation dela terre où l'on aura fini par nedistinguer plus où commence la fin d'oùfinit le commencement ce qui est toutefin de tout commencement égale à toutcommencement de toute fin ce qui est lecommencement final de l'infini défilapar l'indéfini—Égale une épitaphe égaleune préface et réciproquement
(SAGESSE DES NATIONS)

Il se tua d'ardeur, ou mourut de paresse.S'il vit, c'est par oubli; voici ce qu'il se laisse:
—Son seul regret fut de n'être pas sa maîtresse.—
Il ne naquit par aucun bout,Fut toujours poussé vent-de-bout,Et fut un arlequin-ragoût,Mélange adultère de tout.
Du je-ne-sais-quoi.—Mais ne sachant où;De l'or,—mais avec pas le sou;Des nerfs,—sans nerf. Vigueur sans force;De l'élan,—avec une entorse;De l'âme,—et pas de violon;De l'amour,—mais pire étalon.—Trop de noms pour avoir un nom.—
Coureur d'idéal,—sans idée;Rime riche,—et jamais rimée;Sans avoir été,—revenu;Se retrouvant partout perdu.
Poète, en dépit de ses vers;Artiste sans art,—à l'envers,Philosophe,—à tort à travers.
Un drôle sérieux,—pas drôle.Acteur, il ne sut pas son rôle;Peintre: il jouait de la musette;Et musicien: de la palette.
Une tête!—mais pas de tête;Trop fou pour savoir être bête;Prenant pour un trait le mot très.—Ses vers faux furent ses seuls vrais.
Oiseau rare—et de pacotille;Très mâle ... et quelquefois très fille;Capable de tout,—bon à rien;Gâchant bien le mal, mal le bien.Prodigue comme était l'enfantDu Testament,—sans testament.Brave, et souvent, par peur du plat,Mettant ses deux pieds dans le plat.
Coloriste enragé,—mais blême;Incompris ...—surtout de lui-même;Il pleura, chanta juste faux;—Et fut un défaut sans défauts.
Ne fut quelqu'un, ni quelque choseSon naturel était la pose.Pas poseur,—posant pour l'unique;Trop naïf, étant trop cynique;Ne croyant à rien, croyant tout.—Son goût était dans le dégoût.
Trop crû,—parce qu'il fut trop cuit,Ressemblant à rien moins qu'à lui,Il s'amusa de son ennui,Jusqu'à s'en réveiller la nuit.Flâneur au large,—à la dérive,Épave qui jamais n'arrive....
Trop Soi pour se pouvoir souffrir,L'esprit à sec et la tête ivre,Fini, mais ne sachant finir,Il mourut en s'attendant vivreEt vécut, s'attendant mourir.
Ci-gît,—coeur sans coeur, mal planté,Trop réussi—comme raté.

LES AMOURS JAUNES

A L'ÉTERNEL MADAME
Mannequin idéal, tête-de-turc du leurre,Éternel Féminin!... repasse tes fichus;Et viens sur mes genoux, quand je marquerai l'heure,Me montrer comme on fait chez vous, anges déchus.
Sois pire, et fais pour nous la joie à la malheure,Piaffe d'un pied léger dans les sentiers ardus.Damne-toi, pure idole! et ris! et chante! et pleure,Amante! Et meurs d'amour!... à nos moments perdus.
Fille de marbre! en rut! sois folâtre!... et pensive.Maîtresse, chair de moi! fais-toi vierge et lascive ...Féroce, sainte, et bête, en me cherchant un coeur....
Sois femelle de l'homme, et sers de Muse, ô femme,Quand le poète brame en Ame, en Lame, en Flamme!Puis—quand il ronflera—viens baiser ton Vainqueur!

FÉMININ SINGULIER
Éternel Féminin de l'éternel Jocrisse!Fais-nous sauter, pantins nous payons les décors!Nous éclairons la rampe.... Et toi, dans la coulisse,Tu peux faire au pompier le pur don de ton corps.
Fais claquer sur nos dos le fouet de ton caprice,Couronne tes genoux!... et nos têtes dix-cors;Ris! montre tes dents! mais ... nous avons la police,Et quelque chose en nous d'eunuque et de recors.
... Ah tu ne comprends pas?...—Moi non plus—Fais la belleTourne: nous sommes soûls! Et plats: Fais la cruelle!Cravache ton pacha, ton humble serviteur!...
Après, sache tomber!—mais tomber avec grâce—Sur notre sable fin ne laisse pas de trace!...—C'est le métier de femme et de gladiateur.—

BOHÊME DE CHIC
Ne m'offrez pas un trône!A moi tout seul je fris,Drôle, en ma sauce jauneDe chic et de mépris.
Que les bottes verniesPleuvent du paradis,Avec des parapluies ...Moi, va-nu-pieds, j'en ris!
—Plate époque râpée,Où chacun a du bien;Où, cuistre sans épée,Le vaurien ne vaut rien!
Papa,—pou, mais honnête,—M'a laissé quelques sous,Dont j'ai fait quelque dette,Pour me payer des poux!
Son habit, mis en perce,M'a fait de beaux haillonsQue le soleil traverse;Mes trous sont des rayons
Dans mon chapeau, la luneBrille à travers les trous,Bête et vierge comme unePièce de cent sous!
—Gentilhomme!... à trois queues:Mon nom mal ramasséSe perd à bien des lieuesAu diable du passé!
Mon blason,—pas bégueule,Est, comme moi, faquin:—Nous bandons à la gueule,Fond troué d'arlequin.—
Je pose aux devanturesOù je lis:—DÉFENDUDE POSER DES ORDURES—Roide comme un pendu!
Et me plante sans gêneDans le plat du hasard,Comme un couteau sans gaineDans un plat d'épinard.
Je lève haut la cuisseAux bornes que je voi:Potence, pavé, suisse,Fille, priape ou roi!
Quand, sans tambour ni flûte.Un servile estafierAu violon me culbute,Je me sens libre et fier!...
Et je laisse la viePleuvoir sans me mouiller.En attendant l'envieDe me faire empailler.
—Je dors sous ma calotte,La calotte des cieux;Et l'étoile palotteClignotte entre mes yeux.
Ma Muse est grise ou blonde....Je l'aime et ne sais pas;Elle est à tout le monde....Mais—moi seul—je la bats!
A moi ma Chair-de-poule!A toi! Suis-je pas beau,Quand mon baiser te rouleA crû dans mon manteau!...
Je ris comme une folleEt sens mal aux cheveux,Quand ta chair fraîche colleContre mon cuir lépreux!
Jérusalem.—Octobre.

GENTE DAME
Il n'est plus, ô ma Dame,D'amour en cape, en lame,Que Vous!...De passion sans obstacle,Mystère à grand spectacle,Que nous!...
Depuis les Tour de NesleEt les Château de Presle,Temps frais,Où l'on couchait en SeineLes galants, pour leur peine....—Après.—
Quand vous êtes Frisette,Il n'est plus de grisetteQue Toi!...Ni de rapin farouche,Pur Rembrandt sans retouche,Que moi!
Qu'il attende, Marquise,Au grand mur de l'égliseFlanqué,Ton bon coupé vert-sombre,Comme un bravo dans l'ombre,Masqué.
—A nous!—J'arme en croisièreMon fiacre-corsaire,Au vent,Bordant, comme une voile,Le store qui nous voile:—Avant!...
—Quartier-dolent—tourelleTout au haut de l'échelle....Quel pas!—Au sixième—Eh! madame,C'est tomber, sur mon âme!Bien bas!
Au grenier poétique,Où gîte le classiquePrintemps,Viens courre, aventurière,Ce lapin de gouttière:Vingt-ans!
Ange, viens pour ton hèreJouer à la misèreDes Dieux!Pauvre diable à ficelles,Lui, joue avec tes ailes.Aux cieux!
Viens, Béatrix du Dante,Mets dans ta main charmanteMon front ...Ou passe, en bonne fille,Fière au bras de ton drille,Le pont.
Demain, ô mâle amante,Reviens-moi Bradamante!Muguet!Eschôlier en fortune,Narguant, de vers la brune,Le guet!

I SONNET
AVEC LA MANIÈRE DE S'EN SERVIR
Réglons notre papier et formons bien nos lettres:
Vers filés à la main et d'un pied uniforme,Emboîtant bien le pas, par quatre en peloton;Qu'en marquant la césure, un des quatre s'endorme....Ça peut dormir debout comme soldats de plomb.
Sur le railway du Pinde est la ligne, la forme;Aux fils du télégraphe:—on en suit quatre, en long;A chaque pieu, la rime—exemple: chloroforme,—Chaque vers est un fil, et la rime un jalon.
—Télégramme sacré—20 mots.—Vite à mon aide....(Sonnet—c'est un sonnet—) ô Muse d'Archimède!—La preuve d'un sonnet est par l'addition:
—Je pose 4 et 4 = 8! Alors je procède,En posant 3 et 3!—Tenons Pégase raide:«O lyre! O délire! O....»—Sonnet—Attention!
Pic de la Maladetta.—Août.

SONNET A SIR BOB
Chien de femme légère, braque anglais pur sang.
Beau chien, quand je te vois caresser ta maîtresse,Je grogne malgré moi—pourquoi?—Tu n'en sais rien.—Ah! c'est que moi—vois-tu—jamais je ne caresse,Je n'ai pas de maîtresse, et ... ne suis pas beau chien.
Bob! Bob!—Oh! le fier nom à hurler d'allégresse!...Si je m'appelais Bob.... Elle dit Bob si bien!...Mais moi je ne suis pas pur sang.—Par maladresse,On m'a fait braque aussi ... mâtiné de chrétien.
—O Bob! nous changerons, à la métempsycose:Prends mon sonnet, moi ta sonnette à faveur rose;Toi ma peau, moi ton poil—avec puces ou non....
Et je serai sir Bob—Son seul amour fidèle!Je mordrai les roquets, elle me mordrait, Elle!...Et j'aurai le collier portant Son petit nom.
Britisch channel.—5 may.

STEAM-BOAT
A une passagère.
En fumée elle est donc chasséeL'éternité, la traverséeQui fit de Vous ma soeur d'un jour,Ma soeur d'amour!...
Là-bas: cette mer incoloreOù ce qui fut Toi flotte encore.Ici: la terre, ton écueil.Tertre de deuil!
On t'espère là.... Va légère!Qui te bercera, Passagère....O passagère mon coeur,Ton remorqueur!...
Quel ménélas, sur son rivage,Fait le pied?...—Va, j'ai ton sillage....J'ai,—quand il est là voir venir,—Ton souvenir!
Il n'aura pas, lui, ma Peureuse,Les sauts de ta gorge houleuse!...Tes sourcils salés de poudrainPendant un grain!
Il ne t'aura pas: effrontée!Par tes cheveux au vent fouettée!...Ni, durant les longs quarts de nuit,Ton doux ennui....
Ni ma poésie où:—Posée,Tu seras la mouette blessée,Et moi le flot qu'elle rasa ...Et coetera.
—Le large, bête sans limite,Me paraîtra bien grand, Petite,Sans Toi!... Rien n'est plus l'horizonQu'une cloison.
Qu'elle va me sembler étroite!Tout seul, la boîte à deux!... la boîteOù nous n'avions qu'un oreillerPour sommeiller.
Déjà le soleil se fait sombreQui ne balance plus ton ombre,Et la houle a fait un grand pli....—Comme l'oubli!—
Ainsi déchantait sa fortune,En vigie, au sec, dans la hune.Par un soir frais, vers le matin,Un pilotin.
10' long. O.40' lat. N.

PUDENTIANE
Attouchez, sans toucher. On est dévotieuse,Ni ne retient à son escient.Mais On pâme d'horreur d'être: luxurieuseDe corps et de consentement!...
Et de chair ... de cette oeuvre On est fort curieuse.Sauf le vendredi—seulement:Le confesseur est maigre ... et l'extase pieuseEn fait: carême entièrement.
... Une autre se donne.—Ici l'On se damne—C'est un tabernacle—ouvert—qu'on profane.Bénitier où le serpent est caché!
Que l'Amour, ailleurs, comme un coq se chante....CI-GIT! La pudeur-d'-attentat le hante....C'est la Pomme (cuite) en fleur de pêché.
(Rome.—40 ans.—16 août.)

APRÈS LA PLUIE
J'aime la petite pluieQui s'essuieD'un torchon de bleu troué!J'aime l'amour et la brise,Quand ça frise ...Et pas quand c'est secoué.
—Comme un parapluie en flèches,Tu te sèches,O grand soleil! grand ouvert....A bientôt l'ombrelle verteGrand' ouverte!Du printemps—été d'hiver.—
La passion c'est l'averseQui traverse!Mais la femme n'est qu'un grain:Grain de beauté, de folieOu de pluie....Grain d'orage—ou de serein.—
Dans un clair rayon de boue,Fait la roue,La roue à grand appareil,—Plume et queue—une CocotteQui barbotte;Vrai déjeuner de soleil!
—«Anne! ou qui que tu sois, chère ...Ou pas chère,Dont on fait, à l'oeil, les yeux....Hum ... Zoé! Nadjejda! Jane!Vois: je flâne,Doublé d'or comme les cieux!»
«English spoken?—Espagnole?...Batignolle?...Arbore le pavillonQui couvre ta marchandise,O marquiseD'Amaëgur!... Frétillon!...»
«Nom de singe ou nom d'Archange?Ou mélange?...Petit nom à huit ressorts?Nom qui ronfle, ou nom qui chante:Nom d'amante?...Ou nom à coucher dehors?...
Veux-tu, d'une amour fidelle,Éternelle!Nous adorer pour ce soir?...Pour tes deux petites bottesQue tu crottes,Prends mon coeur et le trottoir!»
«N'es-tu pas doña Sabine?Carabine?...Dis: veux-tu le paradisDe l'Odéon?—traverséeInsensée!...On emporte des radis.»—
C'est alors que se dégaineLa rengaine:—«Vous vous trompez.... Quel émoi!...Laissez-moi ... je suis honnête....»«—Pas si bête!—Pour qui me prends-tu?—Pour moi!...»
«... Prendrais-tu pas quelque choseQu'on arroseAvec n'importe quoi ... duJus de perles dans des coupesD'or?... Tu coupes!...Mais moi? Mina, me prends-tu?»
—«Pourquoi pas: ça va sans dire!»—«—O sourire!...Moi, par dessus le marché!...Hermosa, tu m'as l'air francheDe la hanche!Un cuistre en serait fâché!»
—«Mais je me nomme Aloïse....»«Héloïse!Veux-tu, pour l'amour de l'art,—Abeilard avant la lettre—Me permettreD'être un peu ton Abeilard?»
Et, comme un grain blanc qui crève,Le doux rêveS'est couché là, sans point noir....Donne à ma lèvre apaisée,«La roséeD'un baiser-levant—Bonsoir»—
«C'est le chant de l'alouette,Juliette!Et c'est le chant du dindon....Je te fais, comme l'auroreQui te dore,Un rond d'or sur l'édredon.»

A UNE ROSE
Rose, rose-d'amour vannée,Jamais fanée.Le rouge-fin est ta couleur,O fausse-fleur!
Feuille où pondent les journalistesUn fait-divers,Papier-Joseph, croquis d'artistes:—Chiffres ou vers—
Coeur de parfum, montant arômeQui nous embaume ...Et ferait même avec succès,Après décès;
Grise l'amour de ton haleine,Vapeur malsaine,Vent de pastille-du-sérail,Hanté par l'ail!
Ton épingle, épine-postiche,Chaque nuit ficheLe hanneton-d'or, ton amant ...Sensitive ouverte, arroséeDe fausses-perles de rosée,En diamant!
Chaque jour palpite à la colleDe ta corolleUn papillon-coquelicot,Pur calicot.
Rose-thé!...—Dans le grog, peut-être!—Tu dois renaîtreJaune, sous le fard du tampon,Rose-pompon!
Vénus-Coton, née en pelotte,Un soir-matin,Parmi l'écume ... que culotteLe clan rapin!
Rose-mousseuse, sur toi pousseSouvent la mousseDe l'Ai..... Du BOCK plus souvent—A 30 Cent.
—Un coup-de-soleil de la rampe!Qui te retrempe;Un coup de pouce à ton grand airSur fil-de-fer!...
Va, gommeuse et gommée, ô roseDe couperose,Fleurir les faux-cols et les coeurs,Gilets vainqueurs!

A LA MÉMOIRE DE ZULMA
Vierge-folle hors barrièreetD'UN LOUIS
Bougival, 8 mai.
Elle était riche de vingt ans,Moi j'étais jeune de vingt francs,Et nous fîmes bourse commune,Placée, à fond-perdu, dans uneInfidèle nuit de printemps....
La lune a fait trou dedans,Rond comme un écu de cinq francs,Par où passa notre fortune:Vingt ans! vingt francs!... et puis la lune!
—En monnaie—hélas—les vingt francs!En monnaie aussi les vingt ans!Toujours de trous en trous de lune,Et de bourse en bourse commune....—C'est à peu près même fortune!
—Je la trouvai—bien des printemps,Bien des vingt ans, bien des vingt francs,Bien des trous et bien de la luneAprès—Toujours vierge et vingt ans,Et ... colonelle à la Commune!
—Puis après: la chasse aux passants,Aux vingt sols, et plus aux vingt francs....Puis après: la fosse commune,Nuit gratuite sans trou de lune.
(Saint-Cloud.—Novembre)

BONNE FORTUNE et FORTUNE
Odor della feminita
Moi, je fais mon trottoir, quand la nature est belle,Pour la passante qui, d'un petit air vainqueur,Voudra bien crocheter, du bout de son ombrelle,Un clin de ma prunelle ou la peau de mon coeur....
Et je me crois content—pas trop!—mais il faut vivre:Pour promener un peu sa faim, le gueux s'enivre....
Un beau jour—quel métier!—je faisais, comme ça,Ma croisière.—Métier!...—Enfin, Elle passa—Elle qui?—La Passante! Elle, avec son ombrelle!Vrai valet de bourreau, je la frôlai ...—-mais Elle
Me regarda tout bas, souriant en dessous,Et ... me tendit sa main, et ...m'a donné deux sous.
(Rue des Martyrs.)

A UNE CAMARADE
Que me veux-tu donc, femme trois fois fille?...Moi qui te croyais un si bon enfant!—De l'amour?...—Allons: cherche, apporte, pille!M'aimer aussi, toi!... moi qui t'aimais tant.
Oh! je t'aimais comme ... un lézard qui pèleAime le rayon qui cuit son sommeil....L'Amour entre nous vient battre de l'aile:—Eh! qu'il s'ôte de devant mon soleil!
Mon amour, à moi, n'aime pas qu'on l'aime;Mendiant, il a peur d'être écouté....C'est un lazzarone enfin, un bohème,Déjeunant de jeûne et de liberté.
—Curiosité, bibelot, bricolle?...C'est possible: il est rare—et c'est son bien—Mais un bibelot cassé se recolle;Et lui, décollé, ne vaudra plus rien!...
Va, n'enfonçons pas la porte entr'ouverteSur un paradis déjà trop rendu!Et gardons à la pomme, jadis verte,Sa peau, sous son fard de fruit défendu.
Que nous sommes-nous donc fait l'un à l'autre?...—Rien....—Peut-être alors que c'est pour cela;—Quel a commencé?—Pas moi, bon apôtre!Après, quel dira: c'est donc tout—voilà!
—Tous les deux, sans doute....—Et toi, sois bien sûreQue c'est encor moi le plus attrapé:Car si, par erreur, ou par aventure,Tu ne me trompais ... je serais trompé!
Appelons cela: l'amitié calmée;Puisque l'amour veut mettre son holà.N'y croyons pas trop, chère mal-aimée....—C'est toujours trop vrai ces mensonges-là!—
Nous pourrons, au moins, ne pas nous maudire—Si ça t'est égal—le quart-d'heure après.Si nous en mourons—ce sera de rire....Moi qui l'aimais tant ton rire si frais!

UN JEUNE QUI S'EN VA
Morire.
Oh le printemps!—Je voudrais paître!...C'est drôle, est-ce pas: Les mourantsFont toujours ouvrir leur fenêtre,Jaloux de leur part de printemps!
Oh le printemps! Je veux écrire!Donne-moi mon bout de crayon—Mon bout de crayon, c'est ma lyre—Et—là—je me sens un rayon.
Vite!... j'ai vu, dans mon délire,Venir me manger dans la mainLa Gloire qui voulait me lire!—La gloire n'attend pas demain.—
Sur ton bras, soutiens ton poète,Toi, sa Muse, quand il chantait,Son Sourire quand il mourait,Et sa Fête ... quand c'était fête!
Sultane, apporte un peu ma pipeTurque, incrustée en faux saphir,Celle qui va bien à mon type....Et ris!—C'est fini de mourir;
Et viens sur mon lit de malade;Empêche la mort d'y toucher,D'emporter cet enfant maussadeQui ne veut pas s'aller coucher.
Ne pleure donc plus,—je suis bête—Vois: mon drap n'est pas un linceul....Je chantais cela pour moi seul....Le vide chante dans ma tête.
Retourne contre la muraille.—Là—l'esquisse—un portrait de toi—Malgré lui mon oeil soûl travailleSur la toile.... C'était de moi.
J'entends—bourdon de la fièvre—Un chant de berceau me monter:«J'entends le renard, le lièvre,Le lièvre, le loup chanter
... Va! nous aurons une chambretteBien fraîche, à papier bleu rayé;Avec un vrai bon lit honnêteA nous, à rideaux ... et payé!
Et nous irons dans la prairiePêcher à la ligne tous deux,Ou bien mourir pour la patrie!...—Tu sais, je fais ce que tu veux.
... Et nous aurons des robes neuves,Nous serons riches à bâillerQuand j'aurai revu mes épreuves!—Pour vivre, il faut bien travailler....
—Non! mourir....La vie était belleAvec toi! mais rien ne va plus....A moi le pompon d'immortelleDes grands poètes que j'ai lus!
A moi, Myosotis! Feuille morteDe Jeune malade à pas lent!Souvenir de soi ... qu'on emporteEn croyant le laisser—souvent!
—Décès: Rolla:—l'Académie—Murger, Beaudelaire:—hôpital,—Lamartine:—en perdant la vieDe sa fille, en strophes pas mal....
Doux bedeau, pleureuse en lévite,Harmonieux tronc des moissonnésInventeur de la larme écrite,Lacrymatoire d'abonnés!...
Moreau—-j'oubliais—Hégésippe,Créateur de l'art-hôpital....Depuis, j'ai la phthisie en grippe;Ce n'est plus même original.
—Escousse encor: mort en extaseDe lui; mort phthisique d'orgueil.—Gilbert: phthisie et paraphraseRentrée, en se pleurant à l'oeil.
—Un autre incompris: Lacenaire,Faisant des vers en amateurDans le goût anti-poitrinaire,Avec Sanson pour éditeur.
—Lord Byron, gentleman-vampire,Hystérique du ténébreux;Anglais sec, cassé par son rire,Son noble rire de lépreux.
—Hugo: l'Homme apocalyptique,L'Homme-Ceci-tûra-cela,Meurt, gardenational épique;Il n'en reste qu'un—celui-là!—
... Puis un tas d'amants de la lune,Guère plus morts qu'ils n'ont vécu,Et changeant de fosse communeSans un discours, sans un écu!
J'en ai lus mourir!... Et ce cygneSous le couteau du cuisinier:—Chénier—... Je me sens—mauvais signe!—De la jalousie.—O métier!
Métier! Métier de mourir....Assez, j'ai fini mon étude.Métier: se rimer finir!...C'est une affaire d'habitude.
Mais non, la poésie est: vivre,Paresser encore, et souffrirPour toi, maîtresse! et pour mon livre;Il est là qui dort—Non: mourir!
Sentir sur ma lèvre appauvrieTon dernier baiser se gercer,La mort dans tes bras me bercer....Me déshabiller de la vie!...
(Charenton.—Avril.)

INSOMNIE
Insomnie, impalpable Bête!N'as-tu d'amour que dans la tête:Pour venir te pâmer à voir,Sous ton mauvais oeil, l'homme mordreSes draps, et dans l'ennui se tordre!...Sous ton oeil de diamant noir.
Dis: pourquoi, durant la nuit blanche,Pluvieuse comme un dimanche,Venir nous lécher comme un chien:Espérance ou Regret qui veille,A notre palpitante oreilleParler bas ... et ne dire rien?
Pourquoi, sur notre gorge aride,Toujours pencher ta coupe videEt nous laisser le cou tendu,Tantales, soiffeurs de chimère:—Philtre amoureux ou lie amèreFraîche rosée ou plomb fondu!—
Insomnie, es-tu donc pas belle?...Eh pourquoi, lubrique pucelle,Nous étreindre entre tes genoux?Pourquoi râler sur notre bouche,Pourquoi défaire notre couche,Et ... ne pas coucher avec nous
Pourquoi, Belle-de-nuit impure,Ce masque noir sur ta figure?...—Pour intriguer les songes d'or?...N'es-tu pas l'amour dans l'espace,Souffle de Messaline lasse,Mais pas rassasiée encor!
Insomnie, est-tu l'Hystérie....Es-tu l'orgue de barbarieQui moud l'Hosannah des Élus?...—Ou n'es-tu pas l'éternel plectre,Sur les nerfs des damnés-de-lettre,Raclant leurs vers—qu'eux seuls ont lus.
Insomnie, es-tu l'âne en peineDe Buridan—ou le phalèneDe l'enfer?—Ton baiser de feuLaisse un goût froidi de fer rouge....Oh! viens te poser dans mon bouge!...Nous dormirons ensemble un peu.

LA PIPE AU POÈTE
Je suis la Pipe d'un poète,Sa nourrice, et: j'endors sa Bête.
Quand ses chimères éborgnéesViennent se heurter à son front,Je fume.... Et lui, dans son plafond,Ne peut plus voir les araignées.
... Je lui fais un ciel, des nuages,La mer, le désert, des mirages;—Il laisse errer là son oeil mort....
Et, quand lourde devient la nue,Il croit voir une ombre connue,—Et je sens mon tuyau qu'il mord.
—Un autre tourbillon délieSon âme, son carcan, sa vie!... Et je me sens m'éteindre.—Il dort—
—Dors encor: la Bête est calmée,File ton rêve jusqu'au bout....Mon Pauvre!... la fumée est tout.—S'il est vrai que tout est fumée....
(Paris—Janvier)

LE CRAPAUD
Un chant dans une nuit sans air....—La lune plaque en métal clairLes découpures du vert sombre.
... Un chant; comme un écho, tout vifEnterré, là, sous le massif....—Ça se tait: Viens, c'est là, dans l'ombre....
—Un crapaud!—Pourquoi cette peur,Près de moi, ton soldat fidèle!Vois-le, poète tondu, sans aile,Rossignol de la boue....—Horreur!—
... Il chante.—Horreur!!—Horreur pourquoiVois-tu pas son oeil de lumière....Non: il s'en va, froid, sous sa pierre.........................................................Bonsoir—ce crapaud-là c'est moi.
(Ce soir, 20 Juillet.)

FEMME
la Bête fer
Lui—cet être faussé, mal aimé, mal souffert,Mal haï—mauvais livre ... et pire: il m'intéresse.—S'il est vide après tout.... Oh mon dieu, je le laisse,Comme un roman pauvre—entr'ouvert.
Cet homme est laid....—Et moi, ne suis-je donc pas belle,Et belle encore pour nous deux!—En suis-je donc enfin aux rêves de pucelle?...—Je suis reine: Qu'il soit lépreux!
Où vais-je—femme!—Après ... suis-je donc cas légèrePour me relever d'un faux pas!Est-ce donc Lui que j'aime?—Eh non! c'est son mystère....Celui que peut-être Il n'a pas.
Plus Il m'évite, et plus et plus Il me poursuit....Nous verrons ce dédain suprême.Il est rare à croquer, celui-là qui me fuit!...Il me fuit—Eh bien non!... Pas même.
... Aurais-je ri pourtant! si, comme un galant homme,Il avait allumé ses feux....Comme Ève—femme aussi—qui n'aimait pas la Pomme,Je ne l'aime pas—et j'en veux!—
C'est innocent.—Et Lui: ... Si l'arme était chargée....—Et moi, j'aime les vilains jeux!Et ... l'on sait amuser, avec une dragéeHaute, un animal ombrageux.
De quel droit ce regard, ce mauvais oeil qui touche:Monsieur poserait le fatal?Je suis myope, il est vrai,... Peut-être qu'il est louche;Je l'ai vu si peu—mais si mal.—
... Et si je le laissais se draper en quenouille,Seul dans sa honteuse fierté!...—Non. Je sens me ronger, comme ronge la rouille,Mon orgueil malade, irrité.
Allons donc! c'est écrit—n'est-ce pas—dans ma tête,En pattes-de-mouche d'enfer;Écrit, sur cette page où—là—ma main s'arrête.—Main de femme et plume de fer.—
Oui!—Baiser de Judas—Lui cracher à la boucheCet amour!—Il l'a mérité—Lui dont la triste image est debout sur ma couche,Implacable de volupté.
Oh oui: coller ma langue à l'inerte sourireQu'il porte là comme un faux pli!Songe creux et malsain, repoussant ... qui m'attire!.................................................Une nuit blanche ... un jour sali....

DUEL AUX CAMÉLIAS
J'ai vu le soleil dur contre les touffesFerrailler.—J'ai vu deux fers soleiller,Deux fers qui faisaient des parades bouffes;Des merles en noir regardaient briller.
Un monsieur en linge arrangeait sa manche;Blanc, il me semblait un gros camélia;Une autre fleur rose était sur la branche,Rose comme.... Et puis un fleuret plia.
—Je vois rouge.... Ah oui! c'est juste: on s'égorge—... Un camélia blanc—là—comme Sa gorge ...Un camélia jaune,—ici—tout mâché....
Amour mort, tombé de ma boutonnière.—A moi, plaie ouverte et fleur printannière!Camélia vivant, de sang panaché!
(Veneris Dies 13***)

FLEUR D'ART
Oui—Quel art jaloux dans Ta fine histoire!Quels bibelots chers!—Un bout de sonnet,Un coeur gravé dans ta manière noire,Des traits de canif à coups de stylet.—
Tout fier mon coeur porte à la boutonnièreQue tu lui taillas, un petit bouquetD'immortelle rouge—Encor ta manière—C'est du sang en fleur. Souvenir coquet.
Allons, pas de pleurs à notre mémoire!—C'est la mâle-mort de l'amour ici—Foin du myosotis, vieux sachet d'armoire!
Double femme, va!... Qu'un âne te braie!Si tu n'étais fausse, eh serais-tu vraie?...L'amour est un duel:—Bien touché! Merci.

PAUVRE GARÇON
La Bête féroce.
Lui qui sifflait si haut, son petit air de tête,Etait plat près de moi; je voyais qu'il cherchait ...Et ne trouvait pas, et ... j'aimais le sentir bête,Ce héros qui n'a pas su trouver qu'il m'aimait.
J'ai fait des ricochets sur son coeur en tempête.Il regardait cela.... Vraiment, cela l'usait?...Quel instrument rétif à jouer, qu'un poète!...J'en ai joué. Vraiment—moi—cela m'amusait.
Est-il mort?...—Ah—c'était, du reste, un garçon drôle.Aurait-il donc trop pris au sérieux son rôle,Sans me le dire ... au moins.—Car il est mort, de quoi?...
Se serait-il laissé fluer de poésie....Serait-il mort de chic, de boire, ou de phthisie,Ou, peut-être, après tout: de rien ...ou bien de Moi.

DÉCLIN
Comme il était bien, Lui, ce Jeune plein de sève!Apre à la vie O Gué!... et si doux en son rêve.Comme il portait sa tête ou la couchait gaîment!Hume-vent à l'amour!... qu'il passait tristement.
Oh comme il était Rien!...—Aujourd'hui, sans rancuneIl a vu lui sourire, au retour, la Fortune;Lui ne sourira plus que d'autrefois; il saitCombien tout cela coûte et comment ça se fait.
Son Coeur a pris du ventre et dit bonjour en prose.Il est coté fort cher ... ce Dieu c'est quelque chose;Il ne va plus les mains dans les poches tout nu....
Dans sa gloire qu'il porte en paletot funèbre,Vous le reconnaîtrez fini, banal, célèbre....Vous le reconnaîtrez, alors, cet inconnu.

BONSOIR
Et vous viendrez alors, imbécile caillette,Taper dans ce miroir clignant qui se pailletteD'un éclis d'or, accroc de l'astre jaune, éteintVous verrez un bijou dans cet éclat de tain
Vous viendrez à cet homme, à son reflet mièvreSans chaleur.... Mais, au jour qu'il dardait la fièvre,Vous n'avez rien senti, vous qui—midi passé—Tombez dans ce rayon tombant qu'il a laissé.
Lui ne vous connaît plus, Vous, l'Ombre déjà vue,Vous qu'il avait couchée en son ciel toute nue,Quand il était un Dieu!... Tout cela—n'en faut plus.—
Croyez—Mais lui n'a plus ce mirage qui leurre,Pleurez—Mais il n'a plus cette corde qui pleure.Ses chants ...—C'était d'un autre; il ne les a pas plus.

LE POÈTE CONTUMACE
Sur la côte d'ARMOR,—Un ancien vieux couvent,Les vents se croyaient là dans un moulin-à-vent,Et les ânes de la contrée,Au lierre râpé, venaient râper leurs dentsContre un mur si troué que, pour entrer dedans,On n'aurait pu trouver l'entrée.
—Seul—mais toujours debout avec un rare aplomb,Crénelé comme la mâchoire d'une vieille,Son toit à coups-de-poing sur le coin de l'oreille,Aux corneilles bayant, se tenait le donjon,
Fier toujours d'avoir eu, dans le temps, sa légende....Ce n'était plus qu'un nid à gens de contrebande,Vagabonds de nuit, amoureux buissonniers,Chiens errants, vieux rats, fraudeurs et douaniers.
—Aujourd'hui l'hôte était de la borgne tourelle,Un Poète sauvage, avec un plomb dans l'aile,Et tombé là parmi les antiques hibouxQui l'estimaient d'en haut.—Il respectait leurs trous,—Lui, seul hibou payant, comme son bail le porte:Pour vingt-cinq écus l'an, dont: remettre une porte.—
Pour les gens du pays, il ne les voyait pas:Seulement, en passant, eux regardaient d'en bas,Se montrant du nez sa fenêtre;Le curé se doutait que c'était un lépreux;Et le maire disait:—Moi, qu'est-ce que j'y peux,C'est plutôt un Anglais ... un Etre.
Les femmes avaient su—sans doute par les buses,Qu'il vivait en concubinage avec des Muses!...Un hérétique enfin.... Quelque ParisienDe Paris ou d'ailleurs.—Hélas! on n'en sait rien.—Il était invisible; et, comme ses DonzellesNe s'affichaient pas trop, on ne parla plus d'elles.
—Lui, c'était simplement un long flâneur, sec, pâle;Un ermite-amateur, chassé par la rafale....Il avait trop aimé les beaux pays malsainsCondamné des huissiers, comme des médecins,Il avait posé là, seul et cherchant sa placePour mourir seul ou pour vivre par contumace....
Faisant, d'un à-peu-près d'artiste,Un philosophe d'à peu près,Râleur de soleil ou de frais,En dehors de l'humaine piste.
Il lui restait encore un hamac, une vielle,Un barbet qui dormait sous le nom de Fidèle;Non moins fidèle était, triste et doux comme lui,Un autre compagnon qui s'appelait l'Ennui.
Se mourant en sommeil, il se vivait en rêve.Son rêve était le flot qui montait sur la grève,Le flot qui descendait;Quelquefois, vaguement, il se prenait attendre....Attendre quoi ... le flot monter—le flot descendre—Ou l'Absente.... Qui sait?
Le sait-il bien lui-même?... Au vent de sa guérite,A-t-il donc oublié comme les morts vont vite,Lui, ce viveur vécu, revenant égaré,Cherche-t-il son follet, à lui, mal enterré?
—Certe, Elle n'est pas loin, celle après qui tu brames,O Cerf de Saint-Hubert! Mais ton front est sans flammes....N'apparais pas, mon vieux, triste et faux déterré....Fais le mort si tu peux.... Car Elle t'a pleuré!
—Est-ce qu'il pouvait, Lui!... n'était-il pas poète....Immortel comme un autre?... Et dans sa pauvre têteDéménagée, encor il sentait que les versHexamètres faisaient les cent pas de travers.
—Manque de savoir-vivre extrême—il survivait—Et—manque de savoir-mourir—il écrivait:
«C'est un être passé de cent lunes, ma Chère,En ton coeur poétique, à l'état légendaire.Je rime, donc je vis ... ne crains pas, c'est à blanc.—Une coquille d'huître en rupture de banc!—Oui, j'ai beau me palper: c'est moi!—Dernière faute—En route pour les cieux—car ma niche est si haute!—Je me suis demandé, prêt à prendre l'essor:Tête ou pile ...—Et voilà—je me demande encor....»
«C'est à toi que je fis mes adieux à la vie,A toi qui me pleuras, jusqu'à me faire envieDe rester me pleurer avec toi. MaintenantC'est joué, je ne suis qu'un gâteux revenant,En os et ... (j'allais dire en chair).—La chose est sûreC'est bien moi, je suis là—mais comme une rature.»
«Nous étions amateurs de curiosité:Viens voir le Bibelot.—Moi j'en suis dégoûté.—Dans mes dégoûts surtout, j'ai des goûts élégants;Tu sais: j'avais lâché la Vie avec des gants;L'Autre n'est pas même à prendre avec des pincettes ...Je cherche au mannequin de nouvelles toilettes.»
«Reviens m'aider: Tes yeux dans ces yeux-là! Ta lèvreSur cette lèvre!... Et, là, ne sens-tu pas ma fièvre—Ma fièvre de Toi?...—Sous l'orbe est-il passéL'arc-en-ciel au charbon par nos nuits laissé?Et cette étoile?...—Oh! va, ne cherche plus l'étoileQue tu voulais voir à mon front;Une araignée a fait sa toile,Au même endroit—dans le plafond.»
«Je suis un étranger.—Cela vaut mieux peut-être....—Eh bien! non, viens encor un peu me reconnaître;Comme au bon saint Thomas, je veux te voir la foi,Je veux te voir toucher la plaie et dire:—Toi!»—
«Viens encor me finir—c'est très gai: De ta chambre,Tu verras mes moissons—Nous sommes en décembre—Mes grands bois de sapin, les fleurs d'or des genêts,Mes bruyères d'Armor ...—en tas sur les chenets.Viens te gorger d'air pur—Ici j'ai de la briseSi franche!... que le bout de ma toiture en frise.Le soleil est si doux ...—qu'il gèle tout le temps.Le printemps....—Le printemps n'est-ce pas tes vingt ans.On n'attend plus que toi, vois: déjà l'hirondelleSe pose ... en fer rouillé, clouée à ma tourelle.—Et bientôt nous pourrons cueillir le champignon....Dans mon escalier que dore ... un lumignon.Dans le mur qui verdoie existe une pervencheSèche.—... Et puis nous irons à l'eau faire la planche—Planches d'épave au sec—comme moi—sur ces plages.La Mer roucoule sa Berceuse pour naufrages;Barcarolle du soir ... pour les canards sauvages.»
«En Paul et Virginie, et virginaux—veux-tu—Nous nous mettrons au vert du paradis perdu....Ou Robinson avec Vendredi—c'est facile—La pluie a déjà fait, de mon royaume, une île.»
«Si pourtant, près de moi, tu crains la solitude,Nous avons des amis, sans fard—Un braconnier;Sans compter un caban bleu qui, par habitude,Fait toujours les cent-pas et contient un douanier....Plus de clercs d'huissier! J'ai le clair de la lune,Et des amis pierrots amoureux sans fortune.»
—«Et nos nuits!... Belles nuits pour l'orgie à la tour!...Nuits à la Roméo!—Jamais il ne fait jour.—La Nature au réveil—réveil de déchaînée—Secouant son drap blanc ... éteint ma cheminée.Voici mes rossignols ... rossignols d'ouragans—Gais comme des poinçons—sanglots de chats-huans!Ma girouette dérouille en haut sa tyrolienneEt l'on entend gémir ma porte éolienne,Comme chez saint Antoine en sa tentation....Oh viens! joli Suppôt de la séduction!»
—«Hop! les rats du grenier dansent des farandoles!Les ardoises du toit roulent en castagnoles!Les Folles-du-logis....Non, je n'ai plus de Folles!»
... «Comme je revendrais ma dépouille à SatanS'il me tentait avec un petit Revenant....—Toi—Je te vois partout, mais comme un voyant blême,Je t'adore.... Et c'est pauvre: adorer ce qu'on aime!Apparais, un poignard dans le coeur!—Ce sera,Tu sais bien, comme dans Inès de La Sierra....—On frappe ... oh! c'est quelqu'un....Hélas! oui, c'est un rat.»
—«Je rêvasse ... et toujours c'est Toi. Sur toute chose,Comme un esprit follet, ton souvenir se pose:Ma solitude—Toi!—Mes hiboux à l'oeil d'or:—Toi!—Ma girouette folle: Oh Toi!...—Que sais-je encor,—Toi: mes volets ouvrant les bras dans la tempête....Une lointaine voix: c'est Ta chanson!—c'est fête!...Les rafales fouaillant Ton nom perdu—c'est bête—C'est bête, mais c'est Toi! Mon coeur au grand ouvertComme mes volets en pantenne,Bat, tout affolé sous l'haleineDes plus bizarres courants d'air.»
«Tiens ... une ombre portée, un instant, est venueDessiner ton profil sur la muraille nue,Et j'ai tourné la tête....—Espoir ou souvenir—Ma Soeur Anne, à la tour, voyez-vous pas venir?»....
—«Rien!—je vois ... je vois, dans ma froide chambrette,Mon lit capitonné de satin de brouette;Et mon chien qui dort dessus—Pauvre animal—... Et je ris ... parce que ça me fait un peu mal.»
«J'ai pris, pour t'appeler, ma vielle et ma lyre.Mon coeur fait de l'esprit—le sot—pour se leurrer....Viens pleurer, si mes vers ont pu te faire rire;Viens rire, s'ils t'ont fait pleurer....»
«Ce sera drôle.... Viens jouer à la misère,D'après nature:—Un coeur avec une chaumière.—... Il pleut dans mon foyer, il pleut dans mon coeur feu.Viens! Ma chandelle est morte et je n'ai plus de feu....»
Sa lampe se mourait. Il ouvrit la fenêtre.Le soleil se levait. Il regarda sa lettre,Rit et la déchira.... Les petits morceaux blancs,Dans la brume, semblaient un vol de goélands.
(Penmarc'h—jour de Noël.)

SÉRÉNADE DES SÉRÉNADES

SONNET DE NUIT
O croisée ensommeillée,Dure à mes trente-six morts!Vitre en diamant, érailléePar mes atroces accords!
Herse hérissant rouilléeTes crocs où je pends et mords!Oubliette verrouilléeQui me renferme ... dehors!
Pour Toi, Bourreau que j'encense,L'amour n'est donc que vengeance?...Ton balcon: gril à braiser?...
Ton col: collier de garotte?...Eh bien! ouvre, Iscariote,Ton judas pour un baiser!

GUITARE
Je sais rouler une amouretteEn cigarette,Je sais rouler l'or et les plats!Et les filles dans de beaux draps!
Ne crains pas de longueurs fidèles:Pour mûles mes pieds ont des ailes;Voleur de nuit, hibou d'amour,M'envole au jour.
Connais-tu Psyché?—Non?—Mercure?...Cendrillon et son aventure?—Non?—... Eh bien! tout cela, c'est moi:Nul ne me voit.
Et je te laisserais bien fraîcheComme un petit Jésus en crèche,Avant le rayon indiscret....—Je suis si laid!—
Je sais flamber en cigarette,Une amourette!Chiffonner et flamber les draps,Mettre les filles dans les plats!

RESCOUSSE
Si ma guitareQue je répare,Trois fois barbare:Kriss Indien.
Cric de supplice,Bois de justice,Boîte à malice,Ne fait pas bien....
Si ma voix pireNe peut te direMon doux martyre....—Métier de chien!
Si mon cigare,Viatique et phare,Point ne t'égare;—Feu de brûler....
Si ma menace,Trombe qui passe,Manque de grâce;—Muet de hurler....
Si de mon âmeLa mer en flammeN'a pas de lame;—Cuit de geler....
Vais m'en aller!

TOIT
Tiens non! J'attendrai tranquille,Planté sous le toit,Qu'il me tombe quelque tuile,Souvenir de Toi!
J'ai tondu l'herbe, je lècheLa pierre,—altéréComme la Colique-sècheDe Miserere!
Je crèverai—Dieu me damne!—Ton tympan ou la peau d'âneDe mon bon tambour!
Dans ton boîtier, ô Fenêtre!Calme et pure, gît peut-être...............................Un vieux monsieur sourd!

LITANIE
Non ... Mon coeur te sent là, Petite,Qui dors pour me laisser plus vitePasser ma nuit, si longue encor,Sur le pavé comme un rat mort....
—Dors. La berceuse litanieSérénade jamais finieSur Ta lèvre reste poserComme une haleine de baiser:
—«Nénuphar du ciel! Blanche Etoile!Tour ivoirine! Nef sans voile!Vesper, amoris Aurora
Ah!je sais les répons mystiques,Pour le cantique des cantiquesQu'on chante ... au Diable, Senora!

CHAPELLET
A moi, grand chapelet! pour égrener mes plaintes,Avec tous les AVE de Sa Perfeccion,Son nom et tous les noms de ses Fêtes et Saintes ...Du Mardi-gras jusqu'à la Circoncicion:
Navaja-Dolorès-y-Crucificcion!....—Le Christ avait au moins son éponge d'absinthe....—Quand donc arriverai-je à ton Ascencion!...—Isaac Laquedem, prête-moi ta complainte.
O Todas-las-Santas! Tes vitres sont pareilles,Secundum ordinem, à ces fonds de bouteillesQu'on casse à coups de trique à la Quasimodo....
Mais, ô Quasimodo, tu ne viens pas encore;Pour casse-tête, hélas! je n'ai que ma mandore....—Se habla espanol: Paraque ... raquando?...

ELIZIR D'AMOR
Tu ne me veux pas en rêve,Tu m'auras en cauchemar!T'écorchant au vif, sans trêve,—Pour moi ... pour l'amour de l'art.
—Ouvre: je passerai vite,Les nuits sont courtes, l'été....Mais ma musique est maudite,Maudite en l'éternité!
J'assourdirai les recluses,Éreintant à coups de pieux,Les Neuf et les autres Muses....Et qui n'en iront que mieux!...
Répéterai tous mes rôlesBorgnes—et d'aveugle aussi....D'ordinaire tous ces drôlesOnt assez bon oeil ici:
—A genoux, haut Cavalier,A pied, traînant ma rapière,Je baise dans la poussièreLes traces de Ton soulier!
—Je viens, Pèlerin austère,Capucin et Troubadour,Dire mon bout de rosaireSur la viole d'amour.
—Bachelier de Salamanque,Le plus simple et le dernier....Ce fonds jamais ne me manque:—Tout voeux! et pas un denier!—
—Retapeur de casserolles,Sale Gitan vagabond,Je claque des castagnolesEt chatouille le jambon....
—Pas-de-loup, loup sur la face,Moi chien-loup maraudeur,J'erre en offrant de ma race:—Pur-Don-Juan-du-Commandeur.—
Maîtresse peut me connaître,Chien parmi les chiens perdus:Abeilard n'est pas mon maître,Alcibiade non plus!

VÉNERIE
O Vénus, dans ta Vénerie,Limier et piqueur à la fois,Valet-de-chiens et d'écurie,J'ai vu l'Hallali, les Abois!...
Que Diane aussi me sourie!...A cors, à cris, à pleine voixJe fais le pied, je fais le bois;Car on dit que: bête varie....
—Un pied de biche: Le voici,Cordon de sonnette sur rue;—Bois de cerf: de la porte aussi;—Et puis un pied: un pied-de-grue!...
O Fauve après qui j'aboyais,—Je suis fourbu, qu'on me relaie!—O Bête! es-tu donc une laie:...............................................Bien moins sauvage te croyais!

VENDETTA
Tu ne veux pas de mon âmeQue je jette à tour de bras:Chère, tu me le payeras!...Sans rancune—je suis femme!—
Tu ne veux pas de ma peau:Venimeux comme un jésuite.Prends garde!... je suis ensuiteJésuite comme un crapaud,
Et plat comme la punaise,Compagne que j'ai sur moi,Pure ... mais,—ne te déplaise,—Je te préférerais, Toi!
—Je suis encor, Ma très-Chère,Serpent comme le SerpentFroid, coulant, poisson rampantQui fit pécher ta grand'mère....
Et tu ne vaux pas, Pécore,Beaucoup plus qu'elle, je croi....Vaux-tu ma chanson encore?...Me vaux-tu seulement moi!...

HEURES
Aumône au malandrin en chasseMauvais oeil à l'oeil assassin!Fer contre fer au spadassin!—Mon âme n'est pas en état de grâce!—
Je suis le fou de Pampelune,J'ai peur du rire de la Lune,Cafarde, avec son crêpe noir....Horreur! tout est donc sous un éteignoir.
J'entends comme un bruit de crécelle....C'est la male heure qui m'appelle.Dans le creux des nuits tombe: un glas ... deux glas
J'ai compté plus de quatorze heures....L'heure est une larme—Tu pleures,Mon coeur!... Chante encor, va—Ne compte pas.

CHANSON EN SI
Si j'étais noble Faucon,Tournoierais sur ton balcon....—Taureau: foncerais ta porte....—Vampire: te boirais morte....Te boirais!
—Geôlier: lèverais l'écrou....—Rat: ferais un petit trou....Si j'étais brise alizée,Te mouillerais de rosée....Roserais!
Si j'étais gros Confesseur,Te fouaillerais, ô Ma Soeur!Pour seconde pénitence,Te dirais ce que je pense....Te dirais....
Si j'étais un maigre Apôtre,Dirais: «Donnez-vous l'un l'autre,Pour votre faim apaiser:Le pain-d'amour: Un baiser.»Si j'étais!...
Si j'étais Frère-quêteur,Quêterais ton petit coeurPour Dieu le Fils et le Père,L'Église leur Sainte Mère....Quêterais!
Si j'étais Madone riche,Jetterais bien, de ma niche,Un regard, un sou béniPour le cantique fini....Jetterais!
Si j'étais un vieux bedeau,Mettrais un cierge au rideau....D'un goupillon d'eau bénite,L'éteindrais, la vespre dite,L'éteindrais!
Si j'étais roide pendu,Au ciel serais tout rendu:Grimperais après ma corde,Ancre de miséricorde,Grimperais!
Si j'étais femme.... Eh, la Belle,Te ferais ma Colombelle....A la porte les galantsPourraient se percer des flancs....Te ferais....
Enfant, si j'étais la duègneRossinante qui te peigne,SENORA, si j'étais Toi....J'ouvrirais au pauvre Moi.—Ouvrirais!—

PORTES ET FENÊTRES
N'entends-tu pas?—Sang et guitare!—Réponds!... je damnerai plus fort.Nulle ne m'a laissé, Barbare,Aussi longtemps me crier mort!
Ni faire autant de purgatoire!...Tu ne vois ni n'entends mes pas,Ton oeil est clos, la nuit est noire:Fais signe—Je ne verrai pas.
En enfer j'ai pavé ta rue.Tous les damnés sont en émoi....Trop incomparable Inconnue!Si tu n'es pas là ... préviens-moi!
A damner je n'ai plus d'alcades,Je n'ai fait que me damner moi,En serinant mes sérénades....—Il ne reste à damner que Toi!
21 Mars 2018 19:32 0 Rapport Incorporer Suivre l’histoire
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